31/01/2023

MANGER DU SENS | Réinventons les modèles

Le bio est un levier de souveraineté alimentaire, adapté aux attentes des consommateurs

Par Olivier Clanchin - La-croix-com
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La période inflationniste actuelle tend à détourner les Français de la consommation d’aliments issus de l’agriculture biologique. Pour Olivier Clanchin, président de l’entreprise agroalimentaire Olga, il faut que les pouvoirs publics soutiennent davantage la filière bio et que les distributeurs accroissent leurs efforts pour la valoriser.

Alors que la hausse des préoccupations environnementales et alimentaires donne raison à la consommation d’aliments bio, les Français s’en éloignent sur fond de crise inflationniste. Avec une chute de 5 % des volumes de ventes en 2021 et de 10 % en 2022, la filière est en proie aux questionnements quant à sa capacité à relever les défis du XXIe siècle. Il semble donc nécessaire de redonner de l’espoir et des moyens à tous ceux qui ont contribué à ce que le bio devienne un modèle à part entière.

Alimentation : le bio se cherche un avenir

Loin d’être un seul repère pour la consommation, l’agriculture biologique est née dans les années 1970, de la volonté de producteurs de proposer un projet plus en phase avec les besoins de l’homme et les capacités de la Terre. Que n’a-t-on pas dit aux audacieux qui se sont alors lancés, à l’âge de l’agriculture industrielle triomphante et intensive ? Au règne de la quantité, le bio apparaissait comme un modèle agricole vain, trop complexe, non pérenne, trop coûteux. Certes, le bio entraîne des contraintes supplémentaires, mais c’est de cette exigence que naît sa différence sur les plans nutritifs et environnementaux.

Le bio, un modèle à part entière

Longtemps perçu comme un modèle à part, le bio a gagné ses lettres de noblesse. On ne regarde plus les producteurs bio comme des bêtes curieuses attachées à des pratiques anachroniques. Au contraire, le bio est synonyme de progrès : elle garantit à tous des produits de qualité, entretient les savoir-faire paysans, respecte le bien-être animal et préserve les sols et les écosystèmes. Modèle agricole parfaitement maîtrisé, il s’appuie sur des filières efficaces, innovantes et bien intégrées au tissu entrepreneurial local.

« Pour éviter les pénuries, la solution n’est pas le recours décuplé à un modèle intensif »

À l’heure de la transition écologique, le bio est un outil au service de l’industrie agroalimentaire pour réinventer nos pratiques agricoles et fonder les bases d’un modèle qui puisse être source de vie pour les hommes et pour la planète. Elle est également un puissant levier de souveraineté alimentaire, rendant la France moins dépendante des importations et des fluctuations des marchés internationaux. Elle garantit enfin une alimentation plus saine et équilibrée, adaptée aux nouvelles attentes des consommateurs et aux enjeux sanitaires.

Que chacun fasse sa part

En juin 2022, la Cour des comptes publiait dans un rapport concluant que la filière était insuffisamment soutenue au regard de son immense potentiel écologique, alimentaire et économique. Dont acte, le 6 décembre dernier, le ministre de l’agriculture a réinjecté 5 millions d’euros dans le Fonds avenir bio – qui soutient le développement des filières biologiques françaises. Mais face au risque de déconversion de tous ceux qui avaient pris le chemin de l’écologie et de l’innovation, il convient d’aller plus loin pour soutenir concrètement la filière, ne serait-ce que pour répondre aux ambitions de la loi Egalim avec 20 % de surface de production bio en 2027 et 20 % de produits bio dans la restauration collective.

L’agriculture bio en manque de soutiens publics

À ce titre, les collectivités ont le pouvoir d’éduquer les générations futures en commençant par dépasser les attentes du législateur dans les restaurants scolaires. De quoi susciter des vocations pour les 20 000 agriculteurs qu’il faudra recruter chaque année pour pérenniser le modèle agricole français. Le bio est un moteur formidable pour une nouvelle génération qui veut justement régénérer, en donnant du sens à son travail, à commencer par celui de la terre.

Les régulateurs doivent à leur tour faire la part des choses en contrôlant davantage les pratiques qui viennent endiguer la dynamique progressiste et progressive du bio sur le secteur de l’agroalimentaire. Le développement de la filière peut-il se passer d’une réglementation encadrant les modes de production néfastes tant sur le plan alimentaire qu’environnemental ? La qualité certifiée du label AB peut-elle guider les consommateurs face à une surenchère de labels peu exigeants visant à semer le trouble dans la lisibilité des pratiques de consommation ?

Mettre les distributeurs à contribution

Les distributeurs ont plus que jamais un rôle à jouer quant à la part accordée aux produits issus de l’agriculture biologique dans leurs linéaires. Le diktat des parts de marché ne saurait être invoqué alors que nous savons que ce désengagement fortuit des Français pour le bio est une conséquence inflationniste subie qui impacte leur pouvoir d’achat. Néanmoins, le prix ne saurait expliquer à lui seul la désaffection pour le bio dans les linéaires. Dans le cadre d’une transformation des habitudes alimentaires avec moins de produits transformés et plus de produits végétaux, manger bio ne coûte pas plus cher.

Manger bio, ça vaut (vraiment) le coup ?

La juste part accordée au prix nécessite enfin de la pédagogie auprès des consommateurs. La rémunération des producteurs à la hauteur de leurs exigences ne répond pas à une logique de pouvoir d’achat mais de vouloir d’achat. Si l’arbitrage du budget impacte la qualité de l’alimentation, c’est aussi car la part accordée à l’alimentation a baissé. En 1960, l’alimentation pesait près de 30 % du budget des ménages, aujourd’hui elle n’en représente plus que 15 %.

Dans ce retour à l’essentiel, l’alimentation doit retrouver une place de choix dans la vie des Français. Rappelons-nous les bons mots de Gunter Pauli : « Tout ce qui est bon pour vous et bon pour la nature est cher, tout ce qui est mauvais pour vous et mauvais pour la nature est bon marché : qui a conçu ce système ? »


Source : https://www-la--croix-com.cdn.ampproject.org/c/s/www.la-croix.com/amp/1201250732

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